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Lou Palladium
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Lou Palladium
29 décembre 2005

Chroniques de l’Asphalte- Samuel Benchetrit (Julliard)

Si vous cherchez dans le livre de Samuel Benchetrit un témoignage sur les récents événements des banlieues, vous faites fausse route.

L’auteur nous évoque en 5 tomes dont voici le premier, ses souvenirs d'enfant banlieusard.

Tome 1 donc : l’enfance. Ses premières années dans une tour, là ou il a grandi, lui qui fut d'abord le fils d'un serrurier avant d'être un saltimbanque médiatisé. Il a vécu la banlieue, dans une tour de douze étages et nous livre son quotidien. L’accroche est immédiate car le ton est naïf et souvent cocasse, Samuel Benchétrit se remet dans sa peau d'adolescent dont la banlieue est le quotidien, une vie normale, au milieu de copains qui ne dissertent pas sur leurs rudes conditions de vie, non, des copains qui vivent en bande dans la laideur du béton, dans la promiscuité inévitable d'une vie dans une tour surpeuplée avec son lot de violences, mais qui sont comme les autres, riches de désirs, de rêves, avec des amitiés fortes comme leurs révoltes.

Dans ce cadre, Benchétrit évoque la nature humaine. Et il le fait avec un humour permanent, entouré de voisins et d'amis hauts en couleur et de toutes les couleurs. Il narre la vie de son immeuble, étage par étage. Il avance comme un photographe ou un cinéaste qui filmerait des séquences de la vie d'un immeuble. Il y a, par moments, du Doisneau et du Truffaut. Des scènes rudes ou belles, tendres ou désespérées. Parfois mélo, mais pas trop, l'auteur jamais ne sermonne, jamais il ne montre du doigt des coupables, il rend compte d'une expérience et de son regard sur ces voisins qui le touchent. Cela donne des scènes extrêmement contrastées. Un soir, de sa fenêtre, il aperçoit par la fenêtre deux hommes qui frappent un troisième accusé du viol de leur belle soeur. Puis, plus rien. A nouveau, le silence. L'auteur décrit alors ces terrains vagues comme "des sortes de théâtre à représentation unique et aux spectacles parfois étonnants". Quelques pages plus tôt, un récit tient du conte pour enfant. Un astronaute atterrit là-haut, sur la tour. L'américain a mal calculé son coup, il frappe à une porte, une dame ouvre, ils parlent et se confient, et voilà l'astronaute qui pleure sur l'épaule de Madame Hamida .Moments de complicité partagé dans un univers bétonné et triste.

Samuel Benchétrit prouve, avec ce livre que le bonheur existe, et comme partout, il est précieux parce que fragile.
Les portraits proposés sont variés : M. Stern, au 1er étage face ascenseur. M. Stern n’est pas un méchant homme. Mais il n’est pas non plus du genre à se laisser marcher sur les pieds, et il tient tête lorsque le syndic et certains voisins influençables veulent voter la rénovation de la cage d’ascenseur. Il n’y a pas de raison qu’il paye pour un luxe dont il n’a aucun usage… Il y a aussi la famille Bouteillé, éboueurs de père en fils, du 2e étage droite ; le petit Touré de la famille Touré, qui a cinq ans et qui veut sauter de la fenêtre du 11e. La faune du hall, les squatteurs de la cave, les rêveurs du toit… Se promenant dans une tour, d’étage en étage, Samuel Benchetrit dresse le portrait et le quotidien de la communauté dans laquelle il a grandi. Mêlant l’autobiographie et la fiction, le réalisme brutal et la satire insolente, il retrace ici une esquisse drôle et incisive des années de sa jeunesse en banlieue parisienne.

Tous ceux qui ont vécu une enfance entourée de béton vont totalement s’identifier à cet univers haut en couleurs, avec un vocabulaire plus qu’imagé, et soudain des souvenirs d’enfance me remontent à la mémoire en lisant ce livre, enivrant comme le sont les souvenirs d’enfance. De propos injurieux, aux peurs de rencontrer des voyoux, à des galeries de personnages surréalistes ou détonnants, les HLM ont été pour beaucoup le seul cadre d'apprentissage de la vie. Heureusement, l'amour des parents, des frères et soeursont permis à beaucoup d'entre nous de sortir de cet univers gris, tout comme le fait Samuel à la fin de son adolescence.

Merci à Samuel pour ces jolies pages pleines d’humour et de tendresse, qui confirment ce que je pensais de lui, pour l’avoir vu plusieurs fois interviewé à la télévision : peu de mots sortent de sa bouche, mais ce sont des mots justes et forts. Un homme remplit d’humanité, que l’on a envie de connaître encore davantage, donc vivement le Tome 2

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